Les 7 Soleils

"Et puis, pensez donc : Saint-Nazaire, le port, les quais, l’océan, le vent du large, les embruns qui vous fouettent le visage..."
Archibald Haddock - Les 7 Boules de Cristal

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Le musée imaginaire de Hergé

Quand Mille sabords ! naissait à Saint-Nazaire

Dans Tintin c’est l’aventure, hors-série

jeudi 4 novembre 2021

Tintin c’est l’aventure, le magazine co-réalisé par Géo et Moulinsart, a pris pour thème de son premier hors-série Le musée imaginaire.
La séquence consacrée aux expositions sur l’oeuvre de Hergé raconte en particulier comment le capitaine Haddock posa, en mars 2001, sac à terre au musée national de la marine avec l’exposition Mille sabords !
Une exposition née deux ans plus tôt à Saint-Nazaire à l’initiative des 7 Soleils.

Tintin c’est l’aventure est une publication trimestrielle co-réalisée par Géo et Moulinsart. Construit et coordonné par Vincent Guigueno, directeur-adjoint de la recherche et de l’enseignement au musée du Quai-Branly, ce hors-série nous fait entrer, comme le souligne Didier Platteau, directeur éditorial des éditions Moulinsart, « dans les coulisses ethnographiques d’un univers de bande dessinée devenu mythique ».

Le musée imaginaire aborde plusieurs aspects en lien avec Hergé et son oeuvre : le musée comme source d’inspiration, le musée imaginaire du créateur de Tintin, Hergé collectionneur, le musée Hergé de Louvain-la-Neuve...

Le musée imaginaire fut d’abord l’intitulé de l’exposition conçue en 1979 par Michel Bodson, avec l’accord de Hergé qui en dessine l’affiche -reprise en couverture de ce hors-série-, et présentée au palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Sont alors mis en vis-à-vis l’oeuvre du créateur de Tintin et ses sources documentaires parmi lesquelles plusieurs objets d’art.

Mille sabords !

Deux expositions avaient, en 1977, ouvert la voie : Kuifje in Rotterdam aux Pays-Bas, et Hergé au musée des Beaux-Arts d’Angoulême, dans le cadre du festival international de la bande dessinée dont l’invité d’honneur était le créateur de Tintin. D’autres suivirent, à Barcelone, à Paris (Au Tibet avec Tintin), à Bruxelles. au Québec... et, en ce moment, à Shanghai.

Sous le titre Exposer la mer (p. 80-81) Vincent Guigueno raconte la renaissance, en 2001, du musée de la Marine qui avait failli être chassé de Chaillot pour laisser la place au musée des arts premiers cher au président Chirac. Le taiseux Eric Tabarly éleva la voix contre ce funeste projet.

Et c’est Mille sabords !, exposition créée deux ans plus tôt à Saint-Nazaire par l’association Les 7 Soleils, qui allait « essuyer les plâtres de ce nouvel espace et d’une politique culturelle tournée vers le grand public », souligne Vincent Guigueno, qui a été conservateur du Musée de la Marine de 2015 à 2017.

La genèse nazairienne de cette exposition est fidèlement racontée. Seul bémol, on attribue le catalogue de l’exposition à Philippe Goddin alors qu’il est dû à feu Yves Horeau, tintinologue nantais et président d‘honneur des 7 Soleils. Pour sa part, Philippe Goddin a eu un rôle déterminant dans la mise en place du projet Tintin à Saint-Nazaire dans les années 1990, alors qu’il était secrétaire général de la Fondation Hergé.

A mi-chemin

Quand Les 7 Soleils proposent à Nick Rodwell de créer une exposition sur la mer, les bateaux et les marins -dont le plus célèbre d’entre eux- dans l’œuvre Hergé, c’est avec l’intention de relancer l’intérêt pour le projet Tintin à Saint-Nazaire.

On s’en souvient : lancés à la poursuite des ravisseurs du professeur Tournesol Tintin, Haddock et Milou séjournent, à la fin des 7 Boules de Cristal, pendant plus de trois pages en ville et sur le port. Avec l’accord et le soutien de la Fondation Hergé et de Moulinsart, le projet Tintin à Saint-Nazaire propose de jalonner leur parcours en installant six agrandissements sur métal émaillé de cases tirées de la séquence nazairienne.

Trois ont été implantés, un en 1995, deux en 1996. La réalisation du projet est donc à mi-chemin. Trois autres jalons restent à installer, dont, en particulier, ceux donnant la clef du passage de nos héros à Saint-Nazaire : car le port a été, jusqu’à la seconde guerre, tête de ligne des paquebots transatlantiques à destination de l’Amérique centrale.

Tintin, Haddock et les bateaux : le thème de l’exposition s’impose naturellement en un lieu dont le capitaine Haddock vante lui-même les qualités maritimes, alors que la Lincoln Zephyr jaune file vers le port atlantique, : « Et puis pensez donc : Saint-Nazaire, le port, les quais, l’océan, le vent du large, les embruns qui vous fouettent le visage... »

Comité Haddock

La proposition est accueillie favorablement par Fanny et Nick Rodwell. S’étant assurée du soutien de la SIREN, la société d’économie mixte présidée par le maire, Joël Batteux, et de l’écomusée, l’association Les 7 Soleils met en place en groupe travail constitué de deux entités : le comité Haddock qui fournira sa substance intellectuelle à la future exposition et le comité Tournesol qui travaillera sur ses aspects matériels.

Le comité Haddock regroupe des amis des 7 Soleils, tintinophiles aux talents divers, historiens, connaisseurs du monde maritime parmi lesquels Jean Randier, membre de l’Académie de Marine, qui commande alors un navire de recherche en attente d’affrètement dans le port de Saint-Nazaire, et, parmi les tintinologues, Yves Horeau dont le tapuscrit Tintin et la navigation, va, avec un article de Philippe Goddin consacré au même sujet, nourrir le scénario de l’exposition. Et c’est à partir du tapuscrit d’Yves Horeau que sera réalisé le catalogue de l’exposition devenu un best-seller.

Le comité Tournesol réunit, lui, graphistes, communicants, enseignants du BTS (Brevet de technicien supérieur) en construction navale du lycée Aristide Briand qui ont accepté de faire étudier et construire le sous-marin du professeur Tournesol par leurs étudiants dans le cadre de leur diplôme, l’entreprise nazairienne Cap Image qui réalisera les décors dessinés par Anne Lebas, future architecte en stage à l’agence nantais Double Mixte et qui fait ainsi ses premières armes de scénographe.

Tooot ! Un quai imaginaire. ©Hergé-Moulinsart. Photo Anne Lebas
©Hergé-Moulinsart. Photo Anne Lebas

La porosité entre les deux comités est de rigueur... Et, tout au long de de la mise en oeuvre de l’exposition, l’association Les 7 Soleils sait qu’elle peut compter sur le soutien et les conseils de la Fondation Hergé, en particulier de Sophie Tchang, avisée et chaleureuse interlocutrice.

A Louvain-la-Neuve

L’exposition Tooot ! Tintin, Haddock et les bateaux est inaugurée le 21 mai 1999, en présence de Fanny et Nick Rodwell. Présentée salle de L’Ecluse jusqu’au 7 novembre 1999, elle accueillera 70 000 visiteurs. Parmi ceux-ci, Jean-Marcel Humbert, directeur adjoint du musée national de la marine, qui proposera de reprendre l’exposition au palais de Chaillot.

Dans un cahier central, le hors-série Le musée imaginaire confronte les dessins de Hergé et les sources muséales des objets ethnographiques, dont certains ont été l’amorce de nouvelles aventures de Tintin : on pense au fétiche à l’oreille cassée, à la momie de Rascar-Capac, ou ont participé aux décors de celles-ci : la statuette d’Anubis, la tête olmèque, le vase-portrait de culture Moche, les masques africains... Vincent Guigueno s’arrête sur l’encombrant homme-léopard de Tervuren, débat très actuel. Il interroge aussi des spécialistes sur la momie et les faux dans les musées. Le hors-série s’intéresse également à Hergé collectionneur.

Trente ans après la présentation à Bruxelles d’un éphémère musée imaginaire, ouvrait le 2 juin 2009 à Louvain-la-Neuve le musée Hergé. Il avait été précédé, au début des années 80, d’une première esquisse dessinée par Bob de Moor, d’un musée Tintin qui prendrait place dans la maison Cauchie, magnifique édifice Art nouveau située à Etterbeek, la commune de naissance de Hergé, qu’avait entrepris de restaurer son ami Guy Decissy. Hergé avait donné son accord. Mais il fallut bientôt se rendre à l’évidence : le lieu s’avèrerait trop exigu.

Le mini-sous-marin visible au musée Hergé. ©Hergé-Moulinsart

Hergé a donc désormais son musée à Louvain-la-Neuve, magnifique bâtiment imaginée par l’architecte Christian de Portzamparc, où sont illustrées les différentes facettes de son oeuvre. On y retrouve bien sûr tous ces objets devenus mythiques qui brouillent avec délice la frontière entre le réel et l’imaginaire, parmi lesquels le sous-marin zoomorphe conçu par le professeur Tournesol et construit à Saint-Nazaire...